Dimanche 16 octobre, Mahina.  La pépinière Gooding a pris des airs de galerie d’art. Les créations d’Orama Nigou, artiste designer textile, se sont en effet lovées au creux de la nature le temps d’une journée. « Œuvres en balade » est un nouveau concept d’expositions éphémères, qui consiste à faire interagir les créations textiles d’Orama dans des lieux improbables.  Direction Mahina pour une rencontre avec l’artiste…

Pour la première exposition éphémère organisée par Orama Nigou, le lieu choisi était donc une pépinière. L’endroit est calme et se prête au lâcher prise. Dès le début de la balade, le visiteur est invité à scanner un QR code, qui délivre un petit guide pour faciliter la visite et profiter pleinement de cette expérience artistique inédite. L’artiste entraine son public dans une chasse aux trésors pour chercher, puis trouver ses œuvres textiles, au détour d’un chemin, grimpant aux arbres ou encore se cachant sous les végétaux. Au total vingt créations cousues main de tissus et de plumes jouent à cache-cache avec la végétation…

Pourquoi as-tu eu envie de « sortir » tes œuvres ?

Depuis quelques mois, à chaque fois que je pars en balade, j’emporte quelques-unes de mes pièces avec moi. Je les pose dans des endroits judicieux. Je trouve que ce concept fonctionne bien et qu’il a du sens. On a l’impression que les lieux sont faits pour interagir avec les objets, et inversement. J’aime intégrer mes œuvres dans un maximum de contextes différents. D’où l’idée d’organiser ma première exposition solo de façon éphémère et dans un endroit inédit. C’est la première exposition d’une série. Aujourd’hui, nous sommes dans la nature, dans cette magnifique pépinière. La prochaine fois, ce sera peut-être dans un environnement très urbain ou même industriel, pourquoi pas.

Quelles sont les œuvres que tu présentes ici ?

Je présente une vingtaine d’œuvres qui découle de mes recherches depuis presque deux ans. J’aime brouiller la frontière des usages. Il y a des pièces qui peuvent évoquer des vêtements, des plastrons, des parures, elles peuvent l’être mais ce n’est pas obligé. Elles peuvent aussi bien devenir des tableaux, des vestiges, des bijoux comme ici dans leurs écrins végétaux.

Peux-tu rappeler en quoi consiste ton travail artistique ?

En 2019, dans le cadre de mon projet de diplôme de designer textile, j’ai commencé à travailler sur le potentiel fragment de maro’ura se trouvant au musée du quai Branly. Il s’agit d’une ceinture, un objet royal tahitien, fait de tapa et de plumes, qui se transmettait de génération en génération de rois. Ma pratique artistique actuelle découle de cet objet et interroge tant le patrimoine polynésien que des problématiques contemporaines, notamment avec le textile.

La plume est un élément très présent dans tes créations. Pourquoi ?

En fait, c’est la plume qui est venue en premier dans mon travail. Ensuite, je me suis intéressée aux objets du patrimoine polynésien qui contenaient des plumes. La plume est un élément important dans notre histoire, on la lie aux dieux. Dans nos anciennes légendes, la plume, les oiseaux étaient considérés comme des messagers des dieux. Si on s’approche un peu plus des traditions orales, et des quelques écrits qui nous restent, les formes des dieux sont plus proches de celles des oiseaux que des formes anthropomorphes.

Texte et photos Isabelle Lesourd.