Fasciné dès son arrivée par la vallée de la Papeno’o, Jean-Paul Forest s’est très vite inspiré et servi des pierres de la vallée afin d’entamer un dialogue entre le geste humain et les corps primitifs que sont les galets. Ce travail d’atelier s’est étendu, à partir de 1996, à une pratique in situ dans la vallée, bouleversée par des aménagements hydro-électriques. Il a très vite pris conscience de l’urgence de s’impliquer de manière directe entre ces paysages spectaculaires et l’inéluctable expansion humaine, cela l’amenant à une collaboration avec l’association Haururu.

Sa première action, instinctive, fût de recoudre les failles de rochers dynamités. A l’inverse, fragmenter des galets sur ces sites destinés à être colonisés pour les reconstruire dans un espace urbain, lui a permis de montrer une forme de violence au travers d’un banal morcellement de la pierre. A partir de 1998, il inscrit des premiers signes (coutures de cercles polis ou de longues incisions) dans ces paysages provisoirement vierges, à la fois comme un hommage à leur esthétique spectaculaire et comme une métaphore de la place dérisoire de l’humain dans l’univers. De 2011 à 2016 il réalise des pétroglyphes figuratifs associant le polissage et la couture d’un motif, selon la technique du tifaifai. Ces dernières pratiques ont permis de réactiver un personnage mythique de cette vallée, Mo’o Tua Raha, la femme-lézard.

Suscitées par le rapport personnel que l’artiste entretient avec cet environnement, ses œuvres in situ sont destinées à être dissoutes par la nature ; seules leurs photographies font matière d’œuvres publiques.

Parallèlement, il poursuit en atelier son exploration artistique sur les galets, exposant des actions à la base de toute création : morcèlement, recomposition, multiplication. A partir de la trace de la couture sur le minéral, il lui est apparu comme évident de développer d’autres gestes, jusqu’à élaborer un réseau de signes plastiques (séparer-relier, sentir-représenter, dedans-dehors, etc.). Ainsi sont nées plusieurs séries d’œuvres : les fragmentations (1993 à 2010), les appareillages de pierres avec du bois (1994 à 2009), les multitudes de galets coupés et cousus (2004 à 2017), et depuis 2015 les torsions. Ces œuvres sont reprises périodiquement car ce sont différentes voies pour tenter de répondre à un mystère commun : quelle est la dynamique qui anime la matière ?
A partir de 1995, son travail a intéressé des historiens d’art, en particulier des préhistoriens, ce qui lui a permis de développer de nombreux contacts à l’étranger ainsi que d’exposer en Europe.

Jean-Paul Forest suit une démarche essentiellement conceptuelle et expérimentale, démarche envers laquelle les professionnels de la culture sont sensibles. De ce fait, ses expositions sont d’avantage orientées vers les institutions (musée, université) que le public des galeries.
Son travail, originellement inspiré par un rapport exclusif avec la Polynésie, humainement et géographiquement, et le message artistique qu’il veut faire passer connaissent une expansion à dimension plus universelle, par son propre questionnement et la critique dont fait preuve son travail, ici et à l’étranger.